Kac Eduardo

Collaboration avec Apollonia : Vivacité


Biographie :

Eduardo Kac est né en 1962 à Rio de Janeiro (Brésil). Au début des années 80, il s’adonne à la performance et présente chaque semaine une série de performances publiques. L’une d’elles s’est déroulée en 1982 sur la plage Ipanema pendant les festivités entourant le 60e anniversaire de la Semaine de l’art moderne de 1922 du Brésil. (1)

En 1989, Kac étudie à Chicago, Illinois (États-Unis), à l’École du Art Institute of Chicago où il obtient une maîtrise en beaux-arts l’année suivante. Kac est maintenant titulaire d’une bourse de perfectionnement doctoral au Centre for Advanced Inquiry in Interactive Arts (CAiiA) de la University of Wales, à Newport, Grande-Bretagne, et professeur adjoint en art et technologie à l’École du Art Institute of Chicago. Ses œuvres ont été l’objet de nombreuses expositions en Europe et en Amérique du Nord et du Sud et lui ont valu maints prix et récompenses, parmi lesquels le Prix de l’excellence Leonardo, ISAST en 1998 et le Prix de la Biennale du Inter Communication Center (Tokyo) en 1999.

D’abord intéressé par la performance traditionnelle, Kac s’oriente ensuite vers l’exploration artistique de la technologie par le truchement de la poésie. Insatisfait par l’unidimensionnalité du mot imprimé, Kac se tourne vers l’holographie. En 1983, il crée le terme « holopoésie » (2) pour décrire ses textes flottants tridimensionnels, marquant ainsi le début d’une relation intense entre la pratique artistique et les possibilités de la technologie. Les œuvres créées à cette époque comprennent Holo/Olho (Holo/Eye) (1983) et Chaos (1986). (3) De là, il se concentre sur l’art des télécommunications et en 1986 produit sa première œuvre de téléprésence intégrant la robotique commandée à distance.(4)

L’art des télécommunications (utilisation d’appareils de télécommunications tels que télécopieur, téléphone, radio ou télévision) est une forme artistique qui, aux dires de Kac, « démontre le passage nécessaire de la représentation graphique à l’expérience de communication ». (5) L’expérience, par opposition à « l’objet », est beaucoup plus instable, ouverte et éphémère, mais néanmoins très liée au corps. À cet égard, Kac note : « il faut voir ici le terme ‘immatériel’ comme s’appliquant non pas à quelque chose qui ne se donne pas aux sens, mais plutôt à quelque chose dont on ne peut rendre la réalité finale par des éléments tangibles ». (6) La décision de privilégier la communication plutôt que la matérialité a poussé Kac à reconsidérer les notions traditionnelles de « spectateur » et d’« objet d’art » et à créer tout simplement ses propres formes d’art.

En 1989, Kac commence à travailler sur une série d’œuvres de téléprésence intitulée Ornitorrinco (1989-1998). (7) De concert avec Ed Bennett, concepteur de matériel informatique, Kac crée un télérobot qui réagit aux signaux acheminés par divers appareils de télécommunications. Le public, qui se trouve dans divers lieux géographiques pendant la durée du projet, est invité à transmettre de l’information au robot pour ensuite l’extraire selon le point de vue du robot. En 1994, Kac ajoute au projet l’utilisation d’Internet. En 1996, il poursuit l’exploration de la télérobotique avec Rara Avis (1996), une installation de téléprésence en réseau présentée au Nexus Contemporary Art Center d’Atlanta, en Georgie, et avec Teleporting an Unknown State (du 4 au 9 août 1996), une installation télématique interactive reliant le Contemporary Art Center de la Nouvelle-Orléans, en Louisiane, au réseau Internet.

Après avoir largement exploré les possibilités de la télématique et de la téléprésence, Kac commence à exploiter ses intérêts dans les nouveaux domaines que sont la génétique et les biotechnologies. Le 11 novembre 1997, il présente Time Capsule (1997) en direct à la télévision brésilienne (Canal 21). En présence d’un médecin et d’un auditoire, Kac implante un microcircuit dans sa jambe gauche afin d’inscrire son corps et son identité dans une base de données d’identification d’animaux qui sert à retracer les animaux perdus. Après l’implantation, le microcircuit a été lu optiquement dans Internet à partir de Chicago. Quelques minutes plus tard, Kac était officiellement inscrit à la fois comme propriétaire et comme animal. La nature très publique et performative de son travail reflète les premières performances de Kac à Rio de Janeiro. Cette fusion satirique de la peau et de la technologie est l’une des premières explorations de l’artiste en art biotechnologique. Ses œuvres génétiques ultérieures traduisent son désir d’associer viscéralement le corps à la technologie.

Kac collabore de nouveau avec Ed Bennett en 1997 pour réaliser A-positive. De cette œuvre, Kac dit :

« [Elle] sonde la relation subtile entre le corps humain et les nouvelles formes de machines hybrides qui intègrent des éléments biologiques desquels elles tirent des fonctions sensorielles ou métaboliques. L’œuvre engendre une situation dans laquelle un être humain et un robot sont en contact physique direct, par le truchement d’une aiguille intraveineuse reliée à une tubulure transparente, et se nourrissent l’un l’autre dans une relation réciproquement fortifiante. Nous désignons la nouvelle catégorie de robots biologiques hybrides par l’épithète générale « biobots ». Comme celui créé pour A-positive utilise des cellules sanguines humaines, nous l’appelons « phlébot ». » (8)

Depuis ses premières expériences avec l’holopoésie, Kac ne cesse d’explorer l’introduction de nouveaux termes en critique de l’art contemporain. À sa carrière prolifique à titre d’artiste s’ajoute son rôle dynamique en tant que critique et théoricien. Ses articles ont paru dans nombre de publications telles que Leonardo, Visible Language et Art Journal. (9) Tant dans ses œuvres que ses écrits, Kac met en valeur trois nouveaux domaines de l’art contemporain, qu’il nomme l’art de la téléprésence, la biotélématique et l’art transgénique. Kac définit la téléprésence comme la fusion de la télérobotique et des médias de communications; la biotélématique comme un art faisant intervenir un processus biologique lié de façon intrinsèque à des moyens de télécommunications informatisés; et l’art transgénique comme une forme artistique faisant appel au génie génétique pour transférer soit des gènes synthétiques à un organisme, soit du matériel génétique naturel entre espèces en vue de créer des hybrides vivants uniques.(10) Cette dernière forme « d’art » découle des questions explorées par Kac dans A-positive et Time Capsule.

Kac a fait œuvre de pionnier, souvent controversé, avec ses travaux récents Genesis 1 et Genesis 2 dans un contexte artistique, pourtant très social et politique à une époque où des expériences génétiques discutables sont tenues dans le monde entier. Dans les projets GFP K-9 (1998-présent) et GFP Bunny (1999-présent), il étend ses explorations transgéniques à des mammifères. Les deux projets font intervenir une protéine GFP (protéine verte fluorescente), qu’on trouve couramment dans la méduse du nord-ouest du Pacifique, pour explorer des questions de contrôle génétique et les biotechnologies. Kac compte produire un chien (GFP K-9) qui possédera la protéine GFP dans son ADN. Le chien émettra une luminescence verte lorsqu’il sera exposé à une lumière ultraviolette ou bleue. Compte tenu des progrès à réaliser en matière de cartographie du génome canin, ce projet est une œuvre en progression.(11)

GFP Bunny, maintenant connu sous le nom de Alba depuis sa naissance en février 2000, est la tentative fructueuse de produire un lapin porteur de la protéine GFP. Kac précise qu’il voulait démontrer par cette installation que l’art transgénique ne suppose pas uniquement la création de créatures mutantes et hybrides en tant qu’objets. Il compte intégrer Alba à sa famille et défendre la responsabilité en matière d’expérimentation génétique au sein du milieu artistique.(12)

Eduardo Kac poursuit sa recherche pour le projet Genesis et entreprend Genesis 2, qui portera sur la protéine produite par le gène synthétique engendré pour Genesis 1. Kac est résolu à sensibiliser le public aux questions qu’il met en lumière dans ses œuvres et à explorer un nouveau discours artistique pour la culture contemporaine.

 

(1) L’événement a eu lieu le 13 février 1982 : http://www.ekac.org/performance.html

(2) Annick Bureaud, « Eduardo Kac, défricheur et visionnaire », Artpress no 246 (mai 1999) 35 p. http://www.ekac.org/artpress/kac.htm

(3) Pour une liste complète des holopoèmes de Kac, consulter http://www.ekac.org/allholopoems.html

(4) Eduardo Kac, « Dialogical Telepresence and Net Ecology » in Ken Goldberg, ed., The Robot in the Garden: Telerobotics and Telepistomology in the Age of the Internet, Cambridge, Massachusetts, MIT Press, 2000, p. 183.

(5) Eduardo Kac, « Aspects of the Aesthetics of Telecommunications » Siggraph Visual Proceedings, sous la direction de John Grimes et Gray Lorig,New York, ACM, 1992, p. 48. Consulter : http://www.ekac.org/telecom.paper.siggrap.html

(6) Eduardo Kac, « Parallels Between Telematics and Holography as Art Forms », New Observations no 76 (15 mai au 30 juin 1990), 7 p.

(7) Ornitorrinco signifie ornithorynque en portugais. Experience 1 (1990); Ornitorrinco in Copacabana (1991-1992); Ornitorrinco on the Moon (1993); Ornitorrinco in Eden (1994); Ornitorrinco in the Sahara (1996); Ornitorrinco, the Webot, Travels Around the World in Eighty Nanoseconds Going from Turkey to Peru and Back (1996).

(8) Consultez : http://www.ekac.org/apositive.html

(9) Consulter le site Web d’Eduardo Kac pour la liste complète de ses publications. http://www.ekac.org/vitae.html

(10) Voir la demande soumis à la fondation Daniel Langlois par Eduardo Kac (31 janvier 2000).

(11) Eduardo Kac, « Transgenic Art », Leonardo Electronic Almanac Vol. 6, no 11 (décembre 1998), n.p. Consulter : http://www.ekac.org/transgenic.html

(12) GFP Bunny : http://www.ekac.org/gfpbunny.html