Regards Projetés – Kazakhstan

Art vidéo

9 décembre 2014

Auditorium des musées
1 place Hans-Jean Arp 67000 Strasbourg

Dans le cadre de E.CITÉ – ALMATY / KAZAKHSTAN


ALMAGUL MENLIBAYEVA
Exodus, 2009, HD video, 11’
Courtesy de American-Eurasian Art Advisors LLC

Dans la vidéo Exodus d’Almagul Menlibayeva, la narration biblique est jumelée avec la migration nomade qui se transforme en une partie d’une tragédie mondiale, puisqu’il s’agit à présent d’une migration du village à la ville, de l’abandon d’une culture authentique pour adopter le consumérisme impersonnel. L’artiste pleure l’exode de la culture traditionnelle nomade de la société. Le désir d’interpréter l’histoire comme un mythe conduit sans le vouloir l’artiste vers le cercle des pratiques traditionnelles ancestrales. Dans son récit, Menlibayeva utilise la notion de l’égrégore comme une expérience culturelle et psychologique partagée par la société. La narration de ses derniers projets de cinéma et de vidéo semble se faire au nom de l’Atavisme Archaïque. Une image féminine idyllique d’une amante-déesse-péri joue un rôle important dans ses vidéos. La femme, selon Menlibayeva, est un être supérieur responsable de l’ordre du monde. Toutes les œuvres vidéo de Menlibayeva possèdent un certain magnétisme tentant qui promet une brillante expérience cathartique. Le désir de l’artiste d’exister dans ce régime quasi-transcendantal s’exprime au travers d’un mélange presque alchimique d’une herméneutique mythique et poétique de récits contemporains, du tournage traditionnel avec des personnages authentiques dans un contexte authentique, d’un montage clair et précis à la première personne et, enfin, d’une bande-son du DJ OMFO, où chaque image est clairement délimitée par l’acoustique.


SMAÏL BAYALIEV
Simurg Bird, 2007, 2’
Collection de l’artiste

La vidéo de Smaïl Bayaliyev, L’oiseau Simurgh, saisit la performance de l’artiste à la mosquée soufie de Khodja Akhmed Yassawi au Turkestan, un lieu historique. L’artiste, habillé d’une tunique asiatique et portant un masque à gaz soviétique, parcourt un énorme livre dont les pages sont faites de syrmaks, des tapis en laine kazakhs. Une image superposée et centrée grâce à un orifice pratiqué dans la visionneuse dévoile des nuées d’oiseaux en panique pépiant et fuyant devant un faucon. La bande-son inclue le récital d’une ballade mystique sur les difficultés de la vie, du destin et de l’ordre du monde. D’après une légende, l’Oiseau de l’Equité, le Simurgh, est assis sur l’Arbre du Monde et diffuse différentes vérités avec ses ailes. La sémantique compliquée de la vidéo et du son fait allusion à la perte du sacré et l’unification des traditions.


SYRLYBEK BEKBOTAYEV
Musique dans la Steppe, 2014, 6’45
Production Apollonia
Collection de l’artiste

La vidéo de Syrlybek Bekbotaev La Musique dans la Steppe produite par Apollonia dans le cadre du projet e.cité – Almaty / Kazakhstan, se focalise sur le symbole des souvenirs de l’enfance, le becik (un berceau traditionnel,) et sur l’admiration de l’auteur pour les rituels du quotidien impliquant la famille de l’artiste – mère, frère, grand-mère, tantes, sœurs etc. La juxtaposition des paysages de steppe et des costumes provinciaux multicolores dans une performance animée par des mouvements permet à l’artiste d’élever la vie monotone d’un village kazakh à un rang poétique. Le sentiment de sécurité et de simplicité renvoyant à l’enfance laisse transparaître la nature naïve et fraîche d’une vision provinciale du monde. Ce type de perception façonne dans une large mesure le travail de l’artiste qui a tendance à transformer de subtiles nuances d’une vision du monde à des images-objets nettes et précises.


YERBOSSYN MELDIBEKOV
Pastan on the street, 2005, 3’
Collection de l’artiste

L’insatisfaction devant l’état actuel des choses dans son propre pays et la réflexion émotionnelle devant l’injustice de l’existence sont évidentes dans les œuvres d’Yerbossyn Meldibekov. Dans sa vidéo Pastan, l’artiste, qui travaille souvent avec la sculpture, construit une sculpture sociale de lui-même, qui est rythmiquement battue et maltraitée dans la rue. Tel un somnambule, l’artiste reste indifférent à toutes les attaques lancées contre sa liberté et son immunité personnelle et, ce faisant, personnifie le comportement de la société kazakh.


ALEXANDER UGAY
Earth and Shape, 2013-2014, HD vidéo, 16’30
Collection de l’artiste

Alexander Ugay réalise ses films dans le contexte de la recherche de l’espace de la mémoire personnelle et collective, la transformation de la réalité sous la pression des courants du temps, de la structure et de la topologie de l’espace. Souvent, Ugay utilise des matériaux produits par d’autres artistes comme outils organiques pour la construction de son propre message. Un dialogue visuel avec Gilles Deleuze, comprenant des artefacts du passé et du présent dans le temps et l’espace est rendu explicite dans le dernier film d’Ugay, La Terre et la Forme. Le métrage de paysages architecturaux de différents coins du monde – Astana, Karaganda, Almaty, Tachkent, St Pétersbourg, Séoul, Istanbul, Sofia et d’autres n’est pas de la simple géographie, mais, selon Deleuze, une géographie de l’esprit. Il ne s’agit pas d’une certaine ville ou d’un certain pays, mais d’une nouvelle mégapole à l’état de « non-forme ». Cet espace qui se crée sans contraintes est déformé par des personnages fantomatiques des films de Leni Riefenstahl, des athlètes de Olympia (Les Dieux du stade, 1938) apparaissant de temps à autre dans des rues, des places et des cours de la ville nouvelle. Les objets architecturaux des villes modernes ressemblent sinistrement aux monuments du passé : des ziggurats, tours, pyramides et temples antiques vivent parmi nous, ici et maintenant. Les substances spirituelles du passé, apparemment englouties dans les courants du Léthé, resurgissent à la surface de notre mémoire collective pour reproduire des paysages sémantiques répétitifs à l’ennui. L’exposition double de l’Astana aujourd’hui superposée à la scène finale du film Le Cavalier de l’Etoile d’Or de Yuli Raizman, à la fin du film d’Ugay nous renvoie au dialogue avec le « paradis » de Staline, en nous mettant en garde contre un possible retour en arrière.