Conférence archéologique
24 octobre 2012
MISHA (Maison Interuniversitaire des Sciences de l’Homme – Alsace)
5 allée du Général Rouvillois, Strasbourg
Dans le cadre de e.cité – Réthymno
Présentation du site archéologique d’Eleutherna, par l’archéologue Nikos Stambolidis, directeur des fouilles depuis 1985
Interprétation simultanée : grec, français
Un grand navire de pierre qui a mis la proue au nord-ouest s’amarre dans un endroit tout vert plein d’oliviers et de vignes, voilà comment on peut décrire la colline de l’ancienne Eleutherna entourée de deux petits ravins – torrents où des milliers de personnes ont voyagé tout au long de l’histoire de la Crète.
L’eau potable des torrents, des sources et des puits, la sécurité que la colline assurait, l’accès difficile et la grande distance à tous les autres sommets, les grandes superficies en terre cultivée vers le nord, les pâturages à l’est et à l’ouest, les forêts vers le sud pour l’élevage, la chasse, le bois de construction, le miel et les herbes crétois pour se guérir des blessures et les plantes aromatiques pour soigner le corps et rendre hommage aux dieux, la pierre calcaire qui sert aux ouvrages d’architecture et de sculpture et même le fer sont parmi les raisons qui ont contribué à la naissance de la cité d’ancienne Eleutherna. Elle a été aussi favorisée par son emplacement idéal, au cœur de la Crète, pas loin d’autres cités anciennes Kydonie, Knossos, Festos et Gortyna. Elle avait vue sur la mer mais elle disposait aussi de deux ports, à Stavromenos et à Panormo. De plus, les frais de port constituaient une source de revenus pour les habitants d’Eleutherna qui avaient – déjà depuis le 7e siècle – une communication avec d’autres régions de la Crète et de la Péloponnèse, avec l’Attique, les îles de la Mer Égée, les Cyclades, le Dodécanèse, l’Asie Mineure, Chypre, les côtes de Syrie – Palestine et Égypte selon les fouilles archéologiques de la nécropole d’Orthi Petra. Pour toutes ces raisons, Eleutherna où la présence humaine est attestée depuis au moins le troisième millénaire avant JC, s’épanouit à toutes les époques de son histoire. Cependant, au Moyen Age les Vénitiens interdisent d’habiter la région.
Pendant la Renaissance, le 18e et le 19e siècle elle a été visitée pour des raisons différentes par des antiquaires et des naturalistes. Evans lui-même a visité Eleutherna vers la fin du 19e siècle avant de se rendre à Knossos tandis que H. Payne a entrepris une fouille archéologique au début du 20e siècle qu’il a tantôt abandonné parce que l’emplacement de la cité ne lui paraissait pas important. Cette estimation est aujourd’hui démentie par les fouilles consécutives qui se sont menées dans une surface de 4 kilomètres carrés par l’Université de Crète au cours de vingt-sept dernières années. Jusqu’aujourd’hui on a excavé des parties de l’ancienne cité, des édifices publics et privés et des nécropoles qui témoignent la présence humaine de la 3e millénaire avant JC jusqu’au début du 14e siècle. A partir des milliers de trouvailles de pierre, de fer, d’argent, d’or, d’ivoire, de verre etc. qu’on a déjà découverts et des outils, des armes, des ustensiles de la vie quotidienne, des bijoux, des statuettes etc. on peut distinguer trois périodes majeures : la période des poèmes homériques du 9e, 8e et 7e siècle avant JC, la période hellénistique et romaine et la période paléochrétienne, ce qui fait d’Eleutherna un site archéologique aussi important que celui de Knossos. Les travaux d’excavation de la nécropole d’Orthi Petra nous ont fourni de l’information de haute qualité et de quantité considérable qui nous permettent d’approfondir l’étude de l’histoire des idées, des us et coutumes de la période géométrique et archaïque, de l’histoire de la Crète pendant les siècles obscurs (11e – 9e s. avant JC) et l’époque archaïque et classique (6e et 5e s. avant JC), de la vie publique et privée, l’organisation de l’espace, les lois et les conventions, la religion, l’économie et l’art des périodes suivantes de l’histoire (hellénistique, romaïque et protobyzantine).
C’est pour cela que la Région de Crète a récemment achevé la création d’espaces couverts à la nécropole d’Orthi Petra et à la basilique paléochrétienne à Katsivelos. Dans le cadre d’un programme de protection et de mise en valeur du site archéologique financé par le Ministère de la Culture, on a aménagé des sentiers, on a fait des escaliers en bois et des panneaux explicatifs dans un parc naturel, un paysage historique d’intérêt archéologique qu’on appelle désormais ALSOS ELEFTHERNEON. Enfin, on a lancé des travaux de construction d’un Musée pour rendre accessible au grand public les trésors du site archéologique.
Professeur Nikos Stambolidis , Athènes, 30 avril 2012