Cosmographies

Exposition

23 octobre – 9 novembre 2012
Hall des Chars, Strasbourg

Dans le cadre de e.cité – Réthymno

Artistes : Nikos Alexiou, Pavlos Fysakis, Giorgos Gyparakis, Giorgos Koumendakis

Commissariat : Maria Marangou et Dimitri Konstantinidis


Concert-performance de Giorgos Koumendakis le 22 octobre à 19h30, avec Giorgos Konstantinou, Alexandra Papastefanou, Lorenta Ramou, Petros Touloudis et Tim Ward


Le rôle de l’artiste demeure depuis toujours l’exploration de son monde, par le biais de son vécu propre ou parfois aussi de son expérience acquise.

L’artiste primitif laisse les traces de son monde sur les parois rocheuses, plus tard sur les autels, les oracles et les vases, puis au cours de la Renaissance sur les temples et les palais. L’artiste contemporain, bon connaisseur non seulement du monde invisible mais aussi du monde visible, en ce y compris celui de l’écran numérique, crée, revendique et échange des mondes. Les règles dont sourdent l’élan et les interrogations quant à la « sacralité » de l’art, en tant que religion de notre temps et aussi des références et des notions de la mémoire culturelle, sont des images venant de l’intérieur, paysages choisis – et pour quelle raison donc ? – dans l’immense production d’identité offerte par la démocratie, si bien distribuée à tous, de la Toile.

C’est dans le cadre de la communication entre ces mondes que s’inscrit la présence à Strasbourg, centre géopolitique de notre continent, de quatre artistes qui partagent le même lieu d’origine, Réthymno, l’une des quatre plus grandes villes de Crète – l’île qui, en plus d’avoir fixé l’origine de l’Europe, en délimite aussi les frontières. Et ici, le terme « Cosmographies » peut prendre un sens plus réaliste, en tant qu’échange d’expériences, d’expériences peut-être différentes.

Un autre point commun entre les quatre artistes, au-delà de leur lieu d’origine commun, est leur définition des limites du visible et du métaphysique, la structure d’une architecture palpable mais qui peut également être allusive, scolastique et conceptuelle. Le parcours qui lie le travail « acheiropoïète » de Nikos Alexiou et l’inventaire photographique de Pavlos Fysakis, les volumes sensibles de Giorgos Gyparakis et les sons du piano de Giorgos Koumendakis se définit comme couplage, comme fusion de l’éphémère et de l’éternel, du terrestre et du transcendantal. Le commentaire de l’un se lie avec puissance à la pensée profonde de l’autre et tous les quatre, ensemble, coexistent en soulignant l’implication déterminante du spectateur.

Un choix guère difficile pour les responsables du Centre d’Art contemporain de Crète et de Apollonia, les institutions chargées de l’exposition.

Les œuvres des artistes Nikos Alexiou, Giorgos Gyparakis et Pavlos Fysakis qu’accueille le Hall des Chars ont déjà été présentés au Musée d’Art contemporain de Crète, dans la ville de Réthymno. Le compositeur Giorgos Koumendakis fut le quatrième des Rethymniotes à être invité à Strasbourg avec son opus Désert méditerranéen, qui s’inspire de la flore et la faune de la Méditerranée. La performance de la musique en Live du vernissage qui acquiert une structure figurative avec la coopération de Petros Mouloudis, demeurera dans les locaux de l’exposition comme projection-installation.

La musique, d’après le compositeur, ignore les guides touristiques, devient elle-même le véhicule de la songerie de l’âme. Dans cette rêverie s’ouvre une fenêtre sur la mer de la Méditerrannée, et voici, les mérous, les girelles, le grillon dans les gorges de Kotsyfos, la menthe poivrée et bien sûr la cartographie musicale d’une particularité psychique.

C’est une interrogation similaire qui inspire le sculpteur Giorgos Gyparakis, dans la section « Agoni grammi » – liaison maritime infertile – un encouragement à replanifier le quotidien. Le consumérisme et l’inflation s’annihilent grâce au besoin de l’amour-éros, de la beauté, du calme. Humour et autocritique définissent le rituel du volume du corps qui se détend dans une île sacrée, probablement surréaliste, qui ne demande rien d’autre qu’une oisive routine. L’humeur railleuse et le commentaire sur la « méditation à la grecque » se hissent sur les inscriptions murales à figures noires, un monument où est reproduite l’activité humaine sur la plage, à savoir le massage asiatique. Dans l’installation sculpturale de Gyparakis, la « performance » est dual : tout ce qui a précédé, dans l’atelier de l’artiste, et tout ce qui relève de l’action du spectateur, qui a la possibilité d’aller à la pêche aux crevettes ou de faire des respirations « zen » dans le salon de la plage de l’île.

Giorgos GYPARAKIS Non-profit line

Pavlos Fysakis s’inscrit littéralement dans sa Cosmographie, autrement dit dans ses photographies des différents extrêmes de l’Europe. Nos interrogations à nous tous, ces derniers temps, sur ce que signifie identité européenne et les limites qui la régissent, ont débouché sur un voyage aux quatre coins de l’Europe. Les paysages de ces pays sont aussi différents que sont similaires les gens qui les peuplent. Gavdos au Sud, le Cap Nord et le silence blanc de sa toundra, Sintra à l’Ouest et, à l’Est, l’Oural et son lourd héritage de goulags, de centrales nucléaires et de région la plus radioactivement polluée du monde.

Le paradis pour les Chrétiens d’Occident se trouve en Occident, pour les Bouddhistes ou les Musulmans en Orient. Le paradis pour les citoyens européens n’existe peut-être pas en dehors des contes de fées et en dehors de ce que nous attendons de l’exploration de la planète Mars.

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Pavlos FYSAKIS, série Land Ends

L’image ne revendique pas de manifeste pour le paradis ou pour l’enfer, néanmoins, lors du clic, le regard de Fysakis s’interroge par l’intermédiaire de l’objectif sur la fin européenne, ou le début européen. Et sur le rôle commun de cet impondérable qu’est le facteur humain.

« Être spectateur n’est pas une condition passive (…) mais une situation normale » propose Jacques Rancière. Dans l’immense interrogation des espaces institutionnels et des Musées sur la manière de présenter une exposition, nous n’avons pas de dilemmes.

Au tangible, au réaliste, au railleur, nous suivons notre lien et le rapport qui lie les artistes. L’œuvre de Nikos Alexiou. Nous sélectionnons une rangée du sol en mosaïque du monastère Iviron du Mont Athos, extrait de l’installation de l’artiste au pavillon grec, aux Giardini, lors de la 52ème Biennale de Venise.
Nikos Alexiou a travaillé avec sensibilité tout au long de vie brève mais productive, avec des matériaux hétéroclites, des œuvres non-manuelles puisant dans sa lumière et sa transparence, il manipula l’ordinateur comme un métier à tisser et le roseau primaire comme un espace de vie.
Le monastère Iviron, où il fut accueilli à plusieurs reprises, opéra sur lui le charme de l’acceptation du divin, faisant avancer la particularité de son travail entre le visible et l’invisible, le touchable et l’intact, le lourd et le léger, l’éphémère et l’éternel.
Une pratique manuelle qui dialogue avec la plus haute spiritualité, nous persuadant de voir le monde comme un sol et la broderie comme une coiffe de protection devant les éléments de la nature, „bâtie“ avec une minutie irréprochable.

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Nikos ALEXIOU The End / Photo: Sylvia Diamantopoulou © O Megalos Kipos – Archeia Nikou Alexiou

Le théâtre du monde et le décor de Nikos Alexiou possèdent le silence intelligible d’un art religieux qui se penche avec humilité vers l’homme.


En partenariat avec le Centre d’art contemporain de Crète, Réthymno
Avec le soutien du Hall des Chars / Association La Friche Laiterie de Strasbourg