À un cheveu près, Babak KAZEMI — Maryam FIRUZI

Exposition

25 février – 16 avril 2023

Mardi-dimanche 14h-18h

Apollonia présente l’exposition À un cheveu près, Babak KAZEMI  —  Maryam FIRUZI, premier volet de l’opération Photographie contemporaine iranienne.

Babak Kazemi

Babak Kazemi est un photographe autodidacte, né en 1983 à Ahvaz en Iran. Parmi les thèmes abordés, Kazemi explore, dans sa série A report for D’Arcy, l’histoire de la province du Khuzestan dans laquelle il a grandi, en se concentrant sur l’impact de la production pétrolière sur la région. Cependant, l’artiste élargit également sa perspective à l’ensemble de son pays, évoquant avec Common memories la mémoire collective de sa génération du service militaire, de la rigidité du système et du sacrifice de soi.

« Le service militaire, qui demeure un souvenir commun pour les garçons en Iran, est obligatoire, et il existe encore des hommes qui tentent de trouver des moyens d’y échapper. Le moment de ma vie où j’étais engagé dans le service militaire coïncidait avec la célèbre élection présidentielle iranienne de 2009, ainsi que le Mouvement Vert qui suivit. Je devais aller dans la rue, me battre contre mes compatriotes, quel que soit mon propre positionnement vis-à-vis de leurs opinions. C’était ma responsabilité de soldat iranien. Je n’avais d’autre choix que de choisir cela. C’ETAIT UN ORDRE ! Et tout ce que je pouvais répondre était « CHEF, OUI CHEF ! »

Dans un ton plus intimiste, sa série The exit of Shirin and Farhad revisite cette tragédie du XVIe siècle, afin d’apporter un commentaire le combat contemporain des amoureux qui doivent quitter leur pays pour trouver la liberté d’aimer. Pour lui, l’histoire révèle les racines historiques de ce que nous connaissons aujourd’hui comme la migration forcée et l’immigration. La figure du roi Khosrow lui fournit également un symbole puissant du type de contrôle et de suppression des émotions que les hommes et les femmes subissent encore aujourd’hui. Cependant, le message de Kazemi est que l’amour peut surmonter même les situations les plus difficiles.

Maryam Firuzi

Née en 1986 à Shiraz, l’artiste iranienne Maryam Firuzi vit et développe son art à Téhéran. Bien qu’elle ait suivi une formation de cinéaste à l’université, elle travaille également en tant que photographe, autrice et poète. Dans le cadre de l’exposition À un cheveu près, Apollonia présente 4 de ses séries photographiques, abordant tant de la place de la corporalité (féminine) dans le monde, que de la perspective, la sensibilité et l’expression artistique des femmes vis-à-vis la réalité sociopolitique iranienne et internationale.

Le corps de la femme, au cœur du dialogue social contemporain, prend une place importante dans le travail de l’artiste. En 2018, sa série Concealment (Dissimulation) aborde la place de la visibilité du corps féminin dans l’histoire et la culture. Avec sa dernière œuvre en date, Before our chance to watch ends vol. 2 : Gisoo (« cheveux » en persan), Maryam Firuzi réalise des portraits photographiques féminins sur lesquels elle brode ensuite des motifs, se servant des cheveux de ses modèles comme fils.

« Les cheveux sont le dernier élément du corps humain à se décomposer. L’image la plus impressionnante que je n’aie jamais vue est celle des piles de cheveux des victimes d’Auschwitz au musée polonais ; les cheveux deviennent l’incarnation des âmes qui continuent de vivre dans ces mèches. Du mythe à la littérature, de la culture populaire et des contes de fées aux punitions sociales, le rôle des cheveux est évident et se trouve parmi tout cela. Le lien entre les cheveux et le deuil est encore spécial et coutumier dans de nombreuses tribus. Dans les sociétés bakhtiari, les femmes se coupent encore les cheveux et les filles se rasent la tête lorsqu’elles perdent un être cher. Ce rituel est commun aux Orientaux et aux Occidentaux ; dans le Shahnameh, Farangis se coupe les cheveux en signe de deuil pour Siavash, tout comme Achille qui se coupe les cheveux en signe de deuil après la mort de son ami proche. Dans la littérature mystique, les cheveux ont différentes fonctions, tant matérielles que spirituelles. Paradoxalement, dans la loi islamique, lorsque les cheveux d’une femme sont coupés, le Hijab n’est plus une obligation ; c’est comme si les cheveux, qui étaient autrefois un ornement sur le visage de la femme, étaient devenus un organe mort et n’étaient plus séduisants ou désirables. Pour moi, les cheveux sont comme les fils de l’âme, qu’ils tombent sur les épaules ou qu’ils soient coupés. J’ai demandé à mes amies chères de se tenir devant la caméra et de me donner ensuite leurs cheveux pour les coudre sur leurs photos imprimées ou pour couvrir leur tête nue avec leurs cheveux et les recapturer. »

L’œuvre de Maryam Firuzi s’étend également sur l’aspect géographique, sociologique et architectural de sa réalité iranienne. Là où Reading for Tehran streets (Lectures pour les rues de Téhéran) offre une revitalisation symbolique colorée du paysage tragique de la capitale iranienne, sa série de 2021 Scattered Memories of Distorted Future (Souvenirs épars d’un futur déformé), post-pandémie, permet une expression et une reconstruction artistique féminine sur les ruines de son pays.

« La souffrance que nous endurons se manifeste dans le langage des ruines. En tant qu’artiste, au milieu de cette souffrance (le langage du présent), j’espère trouver comment la création artistique peut soigner, inspirer et opérer concrètement. Quel effet l’artiste peut avoir sur cet état de ruine ? Quel rôle avons-nous dans les ruines des constructions/créations de l’humanité ? Dans cette série, les ruines sont devenues une métaphore de la douleur. Ici, entre le passé silencieux et le futur déformé, j’ai invité des femmes-peintres à peindre ce qu’elles aimaient dans des lieux abandonnés ; une peinture sur une histoire masculine, une image sur le visage du passé, et une question non résolue pour le futur. »