Pièces d’identité

Exposition

Strasbourg 2004
Thessaloniki, Szczecin 2005

Dans le cadre de : Identités Contemporaines

Sylwia KOWALCZYK Selfprojections, 2002

Artistes : Zelda Klimkowska / Sylwia Kowalczyk / Konrad Kuzyszyn /
Dominik Pabis / Wojciech Prazmowski  / Aneta Grzeszykowska & Jan Smaga / Jerzy Truszkowski / Pawel Zak

Commissairiat : Dimitri Konstantinidis, Anne Laval, en collaboration avec Magdalena Lewoc


Le titre de l’exposition met en perspective la complexité de la situation polonaise grâce à des œuvres touchantes et humaines, étrangement attractives mêmes dans la répulsion.

Dans une première tentative de réponse, les artistes empruntent les chemins de la mémoire individuelle et collective pour retrouver une identité.

Jerzy Truszkowski artiste, théoricien, performeur-agitateur se sert d’images, à la limite du supportable. Il alterne des photos du cadavre de son père avec celles du temps sa jeunesse, comme pour montrer que la mort ou l’altération physique du corps façonnent inévitablement le statut de l’individu.

De manière plus légère, la vie quotidienne et le paysage polonais peuvent être l’objet d’une quête identitaire. Ainsi, dans la série « rouge, noir, blanc » de Wojciech Prazmowski, l’artiste concentre son attention sur les situations les plus kitches de la société polonaise. L’art du mauvais goût rejoint des pratiques architecturales ou urbanistiques nationales et forme une nouvelle reconnaissance sociale avec laquelle l’artiste joue.

Pawel Zak, quant à lui, se focalise davantage sur une mémoire individuelle. Divers éléments de l’enfance sont associés de manière inattendue afin de recréer un nouvel univers onirique. Là encore, la mémoire est utilisée comme pierre de touche de cette quête identitaire tantôt personnelle, tantôt collective.
C’est surtout autour du corps que la quête identitaire semble se cristalliser dans la seconde catégorie des œuvres exposées : corps de l’artiste, corps idéalisé, corps confronté à l’espace, corps marchandise…autant de déclinaison témoignant du fait que rien ne pourrait se dire sur l’individu et l’identité sans la dimension corporelle.

Les gros plans de Dominik Pabis ne permettent pas, dans un premier temps, d’identifier la partie corporelle représentée. Puis le regard est entraîné vers un détail qui donne accès à une perception globale.

En revanche, les corps nus de Zelda Klimkowska sont bien identifiables justement par leur nudité. Pourtant les têtes cagoulées dans des cônes en papier dissimulent l’identité individuelle de la personne. Seule subsiste l’identité familiale puisqu’il s’agit d’un couple et de son enfant. La représentation de la femme enceinte insiste plus particulièrement sur l’image de la maternité, l’un des fondements de la société polonaise traditionnelle.

Le corps idéalisé de la série Ken de Konrad Kuzyszyn dénonce, à travers une représentation archétype du mannequin, l’universalité de la représentation corporelle normée. Ces particularismes individuels rejetés mettent en valeur le processus de globalisation qui, de fait, rejette les questions identitaires propres à chaque pays et à chaque culture.

Zelda Klimkowska photographie des personnages marginaux dans leur environnement professionnel ou familial. Le geste caractéristique redonne à chacun sa personnalité propre, de même que les attributs professionnels les contextualisent socialement.

Les quatre-vingt-onze poses de « Kate » de Aneta Grzeszykowska et de Jan Smaga déclinent la représentation d’une jeune femme blonde dont seuls les vêtements changent. Les fringues – pour reprendre le titre de la série- tentent de définir l’individu. C’est la mode vestimentaire qui donne sens à toute interprétation identitaire de la même personne multipliée à l’infini.

Multiplication et dédoublement s’opèrent également dans les mises en scène de la série A close acquintance de Pawel Zak. Le miroir ne réfléchit plus, mais établit un dialogue avec soi-même. Sous forme de clin d’œil, l’artiste suggère le décalage entre l’individu et son supposé reflet, comme si cet étonnant miroir « déformant » soulignait l’impossibilité de comprendre une identité.

Dans la dernière catégorie des œuvres, les artistes choisissent de parler de l’identité en plaçant les individus en relation directe avec l’environnement urbain ou privé. L’opposition nette est créée entre les espaces publics et privés, entre les pièces d’appartement et les places centrales avec leurs monuments.

Sylwia Kowalczyk choisit d’animer les différentes pièces de son appartement avec les projections de son portrait ou de son propre corps.

L’espace est habité par une image fantomatique et non une réalité. Aneta Grzeszykowska et Jan Smaga travaillent à la manière des architectes en essayant de mettre l’accent sur les relations individu – espace privé. Ils éclairent les liens forts qui existent entre les personnes et les endroits précis de leur maison. L’espace est aplani. Les perspectives ainsi supprimées permettent aux spectateurs de saisir ce rapport spécifique entretenu entre l’homme et son habitat grâce à une vue aérienne.

Dominik Pabis reprend ce lien dans Zapiski z podróży et Tajemnica przestrzeni. L’artiste intègre dans la composition une partie de son corps qui sert de repère et d’échelle au paysage photographié. Il joue sur une similitude formelle entre ces deux éléments. Dans la série Zapiski z podróży, il pousse l’expérience jusqu’à faire dialoguer ses doigts avec le paysage urbain.

C’est cette quête identitaire, ce mélange subtil et parfois explosif des identités corporelles, spatiales et historiques que l’exposition Pièces d’identité met en lumière.
Pièces d’identité comme un puzzle des fragments d’histoires,
Pièces d’identité comme la photo d’un passeport, photo projetée, idéalisée ou impersonnelle,
Pièces d’identité, enfin, comme les pièces d’un appartement, d’un élément architectural ou d’un espace public et urbain.

Les artistes de cette exposition questionnent, interprètent, manipulent et recomposent tous ces éléments identitaires tantôt avec gravité, tantôt avec humour et ironie mais toujours avec le même objectif : comprendre et saisir la poésie de l’univers qui nous entoure.

Dimitri Konstantinidis
Directeur d’apollonia, échanges artistiques européens